Pension alimentaire


"Et ta copine elle présente quoi ?
- Comment ça ?
- Non enfin... Si c'est pas indiscret.
Etonnement :
- Bah Sciences Po comme moi.
- Ah bon, ben tu me l'avais jamais dit ! Comment veux-tu que je le sache ?
- Si je te l'avais dit, y'a longtemps que tu le sais en plus. C'est pour ça que j'suis partout, genre New-York et Buenos Aires. C'est parce que c'est elle q..
- Ah elle est une année en-dessous de toi !
- Oui...
Gros blanc, puis sur un ton faussement déconneur :
- Mais t'es un pédophile en fait à déniaiser des p'tites jeunettes.
- Mouais, ça doit être ça..."


Une petite tranche de vie à peine pré-découpée. CHLAK. L'impression d'un éternel retour au quotidien, ou au moins une fois par mois. Ça donne envie de partir, de ne pas toujours être là à répéter les mêmes choses, gestes et mimiques. A se voir réagir de manière identique chaque fois, je me prends pour un petit miroir.
Yerk.
Manque de clope ou non respect des souvenirs. On s'énerve bref, un peu, sous cape. On recommence les mêmes non-dits chaque fois.


"Il me semble que tu m'avais dit qu'ils se cherchaient des masters à l'IEP ?
- Ouais, ils en ont sorti quelques-uns du chapeau d'un magicien. Ploup. Mais y'en a qui ont quand même l'air intéressants.
- En tout tu auras donc fait six ans
- Oui puisque j'ai redoublé.
- Pour les deux ans à venir j'espère que tu as bien choisi en tout cas.
- Oui j...Il me reste un an papa.
- Non il te reste deux ans, non ?
- Non. Je suis en quatrième année, et l'IEP c'est en cinq ans.
Regard accusateur :
- Mais tu viens de me dire que tu aura fait six ans.
- Oui parce que j'ai redoublé la première année.
- Aaaaah d'accord. Ça y est j'ai compris. Tu vois j'étais persuadé que tu étais un an en dessous. C'est d'ailleurs ce que j'avais dit à Marie-Jo l'autre jour, qu'il te restait deux ans.
- Non non. Je n'ai plus qu'un an à faire.
- Oui, j'ai compris."


Moi pas. C'est nul. Ce dialogue me débecte. Aucun échange, aucune utilité. Encore.
Et ça va recommencer, juste parce qu'il anticipe que cela porte un intérêt de parler de ça, de moi, de ce que je vis. Le plus troublant étant que quelque part rien ne passe et tout se fout en l'air. Aucun stock de ces petits détails de merde qui farcisse la compréhension. Aucune rétention, juste de la conversation. C'est une pub bien faite qui revient et qui laisse un goût amer sur le palais artistique quand on voit la finalité commerciale. A chaque fois.
Yerk.
Au fond de moi la Petite Chose prend son maillet et s'acharne sur le miroir, jouissant de cris rauques et fous. Je ne l'arrête pas, je clos les yeux et prend soin de fermer délicatement la porte, pour ne pas gêner sa démence par des bruits superflus.

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