Coche

Un frisson chaud qui avait commencé sa route depuis le haut de la nuque se changea en hérissement glacé et marqua une pause au milieu de son dos. Sous ses couvertures rabattues sur sa tête il se rétracta, força ses paupières à demeurer fermées et frotta légèrement son buste contre le matelas pour en évacuer les filets de sueur qui commençaient à se former.
Il avait pensé s'endormir cette nuit avant son arrivée. Trop tard. Il sentait sa présence et, les sens aux aguets, tentait de deviner dans quelle partie de sa chambre elle pouvait bien se dissimuler. C'était son grand jeu : se tapir insidieusement en dehors de toute portée visuelle pour laisser penser à une subite disparition puis, subtilement, glisser ça et là des détails minutieux et minuscules de sa compagnie, de son toujours-là.
Il détestait cela. Pas en raison du manque de sommeil qui, nuit après nuit passées à subir ses distractions, croissait inexorablement. Son écœurement venait du refus de paix qui lui était imposé par cette figure protéiforme, tantôt monstrueuse, tantôt épouvantable.

Agacé par un souffle chaud qui cascadait sur sa nuque, il se déporta sur son côté dans un bruissement irrité de couvertures. Au milieu de son énervement, il négligea de garder ses yeux clos pendant un court instant et entraperçu à la lisière de sa vision la forme qui le contournait. Il était désormais entièrement affolé et - fatalement - dans un état d’extrême attention. Le pire était arrivé. Il savait pertinemment que désormais s'écouleraient plusieurs minutes avant que la présence ne se fasse remarquer à nouveau. Elle attendrait simplement qu'il se relâche.
Au bout d'un effort conscient de dizaines de secondes, il réussit à se dresser sur son séant et entreprit d'observer sa chambre.
Dans la pénombre, bien des recoins lui donnait la possibilité de se terrer malicieusement et la porte entrouverte de son placard ne le rassurait pas. Il resta ainsi une ou deux minutes assis dans son lit à fixer la pièce, à promener son regard sur les affiches, les livres et les objets parsemant le sol qui maintenant prenaient tous un aspect terrifiant. Un mouvement ascendant du rideau de sa fenêtre lui fit lever les yeux.
Là au plafond, juste au-dessus de lui. Il ne pouvait pas se résoudre à la regarder, à savoir quel forme elle avait choisie. Connaître sa position pouvait le contenter. Mais bordel ! Elle l'avait encore amené dans un état d'angoisse juste comme les autres nuits. Il attendit encore quelques temps pour fixer sa localisation dans son esprit et, tandis qu'un subtil picotement chaud lui parcourait les tempes, il se rallongea du côté de son lit qui faisait face au mur et entreprit d'attraper le sommeil.
Sa tentative s'émiettait au fur et à mesure que la légère brise chaude qu'il sentait planer au-dessus de lui durait. A un moment, il lui sembla qu'elle essayait de le saisir en s'insinuant sous la couette. Il se retourna alors dans un mouvement violent sans ouvrir les yeux en lançant ses bras en l'air. Il n'espérait pas vraiment atteindre quelque chose, mais faire acte d'une réaction qu'il espérait courageuse et téméraire. Ce fut paniqué et désespéré. Désormais de l'autre côté du lit, il occupait un endroit à quelques centimètres du bord et ensuite, du sol. Il n'avait pas l'habitude de dormir là. Pourtant il se cramponnait à cette position qui, bien qu'inconfortable, lui paraissait nouvelle et prometteuse. Surtout, la peur l'empêchait de bouger.
Il essayait de ne plus penser à l'autre lorsqu'il sentit à l'opposé du lit ses draps s'élever et un poids léger se glisser vers lui. Ses cheveux se hérissèrent, il ravala un sanglot et ouvrit d'un seul coup coup les deux yeux. Bien qu'il fixait intensément la commode en face de lui et son tiroir ouvert, tout son esprit était concentré sur les mouvements saccadés qui s'effectuaient dans son lit, dans son dos.
Trop plein d'angoisse, curiosité folle ? Brusquement, il se retourna dans ses couvertures pour lui faire face. Tout mouvement cessa et ils échangèrent un regard pendant une longue période. Lentement, timidement, il glissa ses bras pour l'enlacer et, se faisant, se rapprocha. Un sentiment de confort le saisi et, pour le retenir, il ferma les yeux et raffermit sa prise.

A son réveil, elle n'était plus là. Il se leva et prit bien soin de refermer la porte du placard.

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