Farewell old pal

On s'est rencontré à Toulouse, un jour où j'avais décidé d'arrêter de lambiner et de passer aux actes. De tenter une énième fois de coucher mes ardeurs plutôt que de les refouler. On a commencé par quelques tentatives discrètes, secrètes et cachées. On se dissimulait tous deux dans un silence commun et complice, à faire des choses non-dites, à rater des essais vains et parfois - car toutes nos tentatives n'étaient pas vaines finalement - à réussir des petits coups d'éclat. Puis on s'est éloigné un peu par dépit, on a un peu laissé tomber nos liens mais on s'est néanmoins suivis à Paris, car (il faut bien l'avouer) je ne pouvais me passer de toi. Je ne pouvais pas laisser cet espoir, cette envie infinie qu'on puisse créer quelque chose ensemble. J'en avais besoin. J'en ai fait des croquis, je t'ai inondé d'idées malhabiles, j'ai beaucoup raturé, j'ai raté beaucoup, j'ai même tenté de dématérialiser notre relation. Je commençais mais ne finissais.

Et puis la faute - certainement impardonnable - qui me contraindra à t'amputer plus tard : je me suis servi de toi à but professionnel. Pardon. Mille fois pardon. C'est comme une tâche indélébile et je m'en suis énormément voulu quand je t'ai repris avec moi plus tard. Tous ces moments fades, ces compte-rendus, ces mémos inutiles que je t'ai laissé. Je t'ai blessé, je le sais. Mais comme tu es toi, comme tu es cette chose, tu ne m'en as pas voulu. Pas trop. Et tu m'as magnifiquement laissé une autre chance, une dernière, pour qu'enfin seuls tous les deux nous puissions vaquer, rêver et créer.
Je t'en ai parlé de mes rêves justement, je t'ai aussi expliqué mes projets, mes jeux, mes mots. Je te revois encore accueillir mes larmes, mes lettres, mes esclandres colériques, mon désespoir naïf. Je t'ai tâché de vin une fois aussi, mais tu en as plutôt bien ri. Je me suis confié à toi et tu m'aidais à fixer les choses, à préciser mon pandémonium mental, plus patient et calme qu'aucune autre personne n'aurait pu l'être avec moi. Tu as tranquillement accueilli mes silences, mes échecs, mes hésitantes palabres. On est devenu inséparables mais je n'osais te montrer. Je te cachais à tous et toutes, je ne te voulais que pour moi en bon petit égoïste. On a commencé à ressembler à quelque chose. Un petit bout de satisfaction a pointé le début de son museau, mais on arrivait sur la fin, on le savait. J'en avais d'ailleurs déjà décidé le temps, tu l'as lu.
Stop. Je suis endormi assis, un sac de sport à mes pieds, il est beaucoup trop tôt, pas assez tard et je ne sais pas vraiment ce que je fais là, pourquoi je dors, pourquoi j'ai froid. Mais tu es avec moi, alors ça va. Et des mains s'avancent et prennent le sac dans un ralenti que j'imagine suffisamment infini. J'ai été négligent, j'aurais du t'avoir tout serré contre moi, au chaud. J'ai été négligent et tu m'as été arraché.
Je me suis senti bien seul tu sais, carnet. J'avais presque fini de t'achever, on avait encore quelques projets avant que je ne te place à côté des deux autres d'où je ne t'aurais sorti qu'une fois l'an. Mais c'est fini, tu as tout doucement quitté ma vie. Et je t'ai déjà trompé, tu le sais, je n'attends pas. Je ne suis pas très fidèle en ces choses-là. Un petit mur de passage et hop, je craque. Même récemment des post-it. Des post-it carnet !
Je regrette. je ne sais pas ce que tu es devenu et ne le saurais jamais. Je voulais te garder. J'aurais même pu te prêter un jour, te présenter, t'expliquer, te révéler. Mais non. Tu vas me manquer. Merci pour tout.
Et à bientôt.

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