Je suis dans un parc assis sur un banc, je me penche en avant pour mieux voir. Mes yeux rampent et cherchent un point d'appui. Travelling, de-zoom, contre-plongées, gros plan. En fait, une saleté de télescope Hubble en mode pilote automatiquement bourré a remplacé ma vue et mon rire gras fait fuir un groupe de pigeons occupés à je-ne-sais-quoi derrière des bosquets.
Y a-t-il des astronautes bourrés ?
Le vent racle insidieusement deux gravillons sur le sol, ma contemplation des nuages prend fin. Je serre les dents, j'ai froid. Je devrais enlever ce satané pull, il fait bien trop chaud ici. Ce putain de ciel bleu est bien trop agressif. Ouais non, deux secondes, c'est moi qui suit complètement fracasse, ma vision tremblante, mon euphorie mentale... Défonce heureuse et satisfaisante et je souris mais sans rire cette fois, je ne crois pas qu'il y ait plus de pigeons que ça ici. Je fouille dans ma poche à la recherche d'un buvard, que je trouve, et le prends. J'arrose ça d'une gorgée de moelleux et j'agrandis mon sourire. Conquérir. Être heureux. J'ai coché les deux, et je vais exulter le monde.
Je marche, je suis parti du parc. J'avale des kilomètres de bouteilles et de trottoirs uniformes. Malgré le roulis de ma démarche le paysage est vraiment plat, une vulgaire hallucination de Midtown Madness en slow motion. Mais personne.
Il me faut de la vitesse, j'ai déjà l'endurance mais je dois accélérer le jeu, foncer vers le monde pour l'embrasser, le prendre, l'entourer de mes bras et qu'on parte en valse, mode automatique et infini. Je jubile la dernière gorgée de moelleux puis je balance la bouteille et sans attendre qu'elle retombe, je prends un autre buvard et me mets à courir. Lola me ferait-elle un clin d’œil ? Je souris que oui et accélère.
Brusquement, je suis dans une salle de classe vide, assis à l'une des tables blanches à pieds bleus. La disposition en U me rappelle ma classe de philo de terminale, la bouteille à mes pieds non. J'ai peut-être un examen ? Je me lève, personne n'est là, les fenêtres coulissantes sont fermées et la porte de la salle ouverte sur un néant sombre. Il y a autre chose aussi, je ne tremble plus et ne suis plus joyeux. Mais comment suis-je arrivé là ? Qu'est-ce que je foutrai dans mon ancien lycée, alors que j'habite maintenant Toulouse ? Ce ne sont pas les vacances, je devrais avoir cours, on est en plein après-midi mais je ne vois aucun élève à l'extérieur. Aucun bruit ne me parvient. Un bon bordel dans ma tête. Comment repartir, je...
Je rêve. Je suis en train de rêver.
Voilà c'est ça je faisais une sieste avec elle et je me suis endormi.
La montée d'une quelconque drogue me percute violemment et je me retiens de tomber par terre en m'agrippant à une table. Complètement perché dans un rêve. Hé, c'est pas banal. Je souris, puis plus. Cette montée est trop forte, c'est impossible de tenir debout quand on a des jambes comme des cotons-tiges. Est-ce que je pourrais me curer les oreilles avec les orteils ? Je tombe au sol sans douleur. Pratiques les rêves d'un côté.
Je parviens à me hisser sur une table et à m'allonger sur le dos. Si je sais que je rêve, je peux me réveiller. Voyons, je ferme les yeux et la pièce tourne toujours. Impressionnant. Je sais suis donc dans un lit, allongé. Je sais que je peux sentir les draps, la couette, je peux me réveiller. Je peux. En me concentrant bien, je peux. En me concentrant. Là si je bouge la main, je vais toucher des draps. Si je remue les pieds, je vais tirer le drap. Allez. Allez mes sens, aidez-moi merde. Merde. MERDE !
Je suis tombé de la table tout gesticulant. Je peux pas sortir putain. Pourquoi ? POURQUOI ? C'est MON rêve, je l'annule quand j'veux !
Je prends une chaise et l'envoie en hurlant contre un mur. Le sol ne s'arrête pas pour autant de s'ébranler ni moi de crier. Le mobilier y passe dans un vacarme assourdissant. Les fenêtres, la porte, le tableau : je pète tout. Ma frustration se mue en rage, ma rage crée ma frustration. Je veux voir quelqu'un. Y'a personne ? PERSONNE ? Le silence me renvoie la pire des réponses.
Je m'assieds par terre, mets ma tête dans mes genoux et je pleure. Le sol gigote de plaisir.
Je suis de retour dans le parc. Encore vaguement conscient d'être moi, je vois un décor mais je ne le comprends pas. Je ne sais rien, je ne suis pas embrumé c'est mon cerveau qui refuse de me fournir des explications, j'ai juste des indices, comme la présence de quelqu'un à mes côtés ou d'être assis sur de la pierre. Je tourne la tête pour voir du centre de mon œil les formes qui bougent dans un coin. L'effort est colossal et lent, j'y mets tout mon désespoir, mon semblant de force, mes pleurs, mes cris, ma rage, ma colère, mes désirs et je le vois. Je sais qui c'est. Damien.
"Tu trouves pas qu'on dirait qu'on est en train de nager dans un paquet de Baff ?"
Damien oui. Mais un Damien halluciné, au regard fixe et exorbité mais inaccessible. Damien qui avale des Baff de Balsen à un rythme effréné.
"Tu trouves pas qu'on dirait qu'on est en train de nager dans un paquet de Baff ?"
Damien qui me fixe de ses yeux écarquillés et d'un blanc effrayant. C'est Damien qui est là. Damien mais pas Damien.
"Tu trouves pas qu'on dirait qu'on est en train de nager dans un paquet de Baff ?"
Je tourne la tête et sanglote dans mon coin. Je suis affolé. Quoi ? Prisonnier d'un putain de rêve avec pour seule compagnie une personne aussi défoncée que moi ? Crier, courir, taper quelque chose plus la force. Plus rien. C'est foutu. Foutu.
"Tu trouves pas qu'on dirait qu'on est en train de nager dans un paquet de Baff ?"
Je veux mo...
AH !
Je suis en sueur. Je suis revenu.
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