C'est que c'est

Les rideaux déchirés laissent filtrer le petit jour, le premier témoignage des rares figures du matin. A travers les carreaux brisés, on peut sentir l'atmosphère ensoleillée et surchargée de légèreté. Le calme est présent depuis un certain temps : il a déjà inondé la pièce, emplit l'air et ravagé les derniers recoins sombres qui se refusaient à lui.

Dans un verre de vin oublié git une mouche imprudente s'étant impulsivement laissée tenter par une ivresse qui lui fut fatale. Suicide conscient ? Une succulente dragée repose au pied du verre et une analyse d'empreintes digitales indiquerait qu'elle a été tripotée nerveusement durant de longs instants, jusqu'à ronger progressivement les successives couches de glucose servant à son conditionnement. Cependant, la cendre incrustée autour du bonbon donnerait peu l'envie au quidam de se saisir de l'objet sucré.

Les guenilles dispersées sur le parquet témoignent de l'affrontement s'étant déroulé précédemment. Reposent en vrac toutes sortes de vêtements désormais inutilisables : pantalons, chemises, t-shirt maculé de taches non-identifiables, saouls-vêtements rapiécés. Mais l'état du sol éclipse presque immédiatement ce désordre de guérilla. C'est visiblement un combat contre la propreté qui était mené - et fut gagné - dans cet endroit. Entre la poussière et les résidus collants à la genèse suspecte se coagulent des miettes de repas forcément délicieux, sûrement anciens.

L'odeur barbare qui s'agite dans l'air laisse les meilleures traces de la violence hostile de l'opposition. Mélange de sueur, sang, alcool et grillades, celle-ci lutte contre le tabac imprégné dans les murs pour asseoir sa domination. De toutes façons, les meubles ont déjà rangé les armes car ci celui-ci tient encore soutenu par une vaillante atèle, celui-là est fin prêt à s'écrouler d'épuisement, rongé par une trop longue dispute perdue depuis longtemps avec le temps.

Et si les corps sont séparés, il ne faut pas se méprendre car la guerre a bien eue lieu. Un mouvement sous les draps annonce d'ailleurs la deuxième vague. Le calme se retire.

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