Dans la salle du Pain Perdu résonnait le brouhaha de plusieurs milliers de personnes, réparties sur quatre gradins roulants dont la partie la plus haute avoisinait les quatre mètres. L'objet du brouhaha était bien entendu la personne qui occupait l'espace rectangulaire au centre des gradins : Igor Laspar. Celui-ci affichait une préoccupation intense (qu'il feignait cependant) pour les objets posés sur la table de bois devant lui. De son obèse et imberbe silhouette ne bougeait que ses deux yeux allant de l’œuf, à la ficelle, puis au transistor et enfin au pot de peinture vert pour revenir vers l’œuf. Le mouvement durait depuis déjà plus de deux heures et agaçait fortement la plupart des spectateurs, lesquels ne se privaient pas de discuter avec leurs voisins, de peloter leurs conjoints ou de mastiquer à grands bruits les sachets de Caram Petits Beurres distribués à l'entrée du Palais Échelle.
"A lorgner sur ma bouille de ce style j'en ai le derche au bord de la nausée. C'te masse informe goguenarde ne mérite vraiment pas ce qu'il va lui arriver, tout au plus un putain de soupir. Elle le veut son spectacle mortifère. ELLE LE VEUT. Elle l'aura."
Quelques spectateurs remarquèrent le tressautement subtil qu'Igor fit subir involontairement à son corps, mais aucun ne se doutait qu'il était du à un frénétique accès de rage guillerette.
Hormis ce seul écart dans son attitude, Igor maintint sa posture à l'identique et au bout de quatre heures supplémentaires, les spectateurs hagards et ennuyés commençaient à s'exaspérer tous seuls. Jamais Peine de Créativité n'avait duré aussi longtemps ni n'était aussi gênante. Il ne se passait rien et pourtant c'était Igor Laspar, le Sécréateur - le dernier des mouvementistes - qui se trouvait sous l'échafaud. Les discussions allaient bon train, augmentant diffusément le brouhaha ambiant. Certaines personnes venues seules tentaient de tromper leur agacement en rejoignant les conversations de leurs voisins, lesquels trouvaient fort perturbants ces interruptions incessantes de la part d'inconnus.
La foule se tut brusquement. Des mains se plaquèrent sur les bouches de personnes ayant raté le silence d'une demi-seconde. Puis furent vivement écartées.
Igor souriait. Il souriait à pleines dents et fixait le transistor.
Mais non, le génial, l'excellent, l'immense Igor reposait sur sa chaise, la tête basse, les épaules vaincues et le crâne chauve saillant de vide, vidé d'imagination. Bientôt vidé de vie.
Des encouragement "Allez Igor ! Ne lâche pas !" furent lancés ci et là, des échanges "Vous n'allez pas le tuer quand même ?!" verbaux passionnants commencèrent à faire trembler le lourd dallage "Et c'est tout, c'est fini ?!!" en damier noir et blanc. Des hommes et des femmes, animés de pitié et "Arrêtez ces bêtises !!" coléreux d'incompréhension entreprirent de descendre des gradins pour rejoindre "Poussez-vous donc !" le centre de la salle. Il y eu des bousculades. Il y eu "Calmez-vous enfin, il n'a pas terminé, c'est Igor !" des désaccords physiques "Laissez-moi passer !" mal placés. Les voix grandirent, les postillons sortirent et ce fut le pugilat. La sécurité arriva en nombre.
"Qu'avez-vous fait ?
- On vous demandait une innovation sociale ! Pas des meurtres en série !
- Des années seront nécessaires pour assimiler l'évènement !
- Ha, mais vous l'avez votre novation : le désordre, hurla Igor. Puis, plus bas : le verdict est déjà tombé j'imagine ?
- Oui, la Réinitialisation bien sûr. Vous représentez un danger beaucoup trop grand.
Igor sourit.
- Et pour moi ?
- L'Oubli.
- Hé ! Enfin seul ! Allons-y alors."
Il les précéda d'un pas lourd et ils sortirent par l'entrée intacte.
Hormis ce seul écart dans son attitude, Igor maintint sa posture à l'identique et au bout de quatre heures supplémentaires, les spectateurs hagards et ennuyés commençaient à s'exaspérer tous seuls. Jamais Peine de Créativité n'avait duré aussi longtemps ni n'était aussi gênante. Il ne se passait rien et pourtant c'était Igor Laspar, le Sécréateur - le dernier des mouvementistes - qui se trouvait sous l'échafaud. Les discussions allaient bon train, augmentant diffusément le brouhaha ambiant. Certaines personnes venues seules tentaient de tromper leur agacement en rejoignant les conversations de leurs voisins, lesquels trouvaient fort perturbants ces interruptions incessantes de la part d'inconnus.
La foule se tut brusquement. Des mains se plaquèrent sur les bouches de personnes ayant raté le silence d'une demi-seconde. Puis furent vivement écartées.
Igor souriait. Il souriait à pleines dents et fixait le transistor.
"Lentement. -L-e-n-t-e-m-e-n-t-."Il pris appui sur ses orteils, raidissant ses phalanges de pied et dans un mouvement pataud, souleva et ploya sa lourde masse vers l'objet. Arrivé à une dizaine de centimètres, il stoppa net et se tint en apnée pendant quelques instants. Il finit par se rasseoir brutalement, faisant presque craquer la maigre chaise qui supportait son poids. Quelques spectateurs ayant trop retenu leur souffle laissèrent échapper un cri de surprise en s'étouffant presque. Une femme affublée d'un chapeau en queue de renard se tenait la tête à deux mains, ouvrant et fermant frénétiquement la bouche. Visiblement, elle n'en revenait pas. Un paquet de Carm Petits Beurres fut projeté sur le sol et les esprit s'échauffèrent. Les quidams debout se rassirent avec force, des regards désespérés furent échangés, des sanglots étouffés. L'audience ne comprenait pas que cette épreuve, aussi difficile soit-elle, demeure impossible à relever pour Igor. Les statistiques de réussite étaient assez élevées et pour quelqu'un de la stature et de l'intelligence du Sécréateur... Pff, une banale formalité.
Mais non, le génial, l'excellent, l'immense Igor reposait sur sa chaise, la tête basse, les épaules vaincues et le crâne chauve saillant de vide, vidé d'imagination. Bientôt vidé de vie.
Des encouragement "Allez Igor ! Ne lâche pas !" furent lancés ci et là, des échanges "Vous n'allez pas le tuer quand même ?!" verbaux passionnants commencèrent à faire trembler le lourd dallage "Et c'est tout, c'est fini ?!!" en damier noir et blanc. Des hommes et des femmes, animés de pitié et "Arrêtez ces bêtises !!" coléreux d'incompréhension entreprirent de descendre des gradins pour rejoindre "Poussez-vous donc !" le centre de la salle. Il y eu des bousculades. Il y eu "Calmez-vous enfin, il n'a pas terminé, c'est Igor !" des désaccords physiques "Laissez-moi passer !" mal placés. Les voix grandirent, les postillons sortirent et ce fut le pugilat. La sécurité arriva en nombre.
"Ha ! Pile à la seconde 'videmment. Les Gardiens de la Création, les petits toutous des grands, protecteurs des Idées. Ha ! Toujours à chaperonner par-dessus l'épaule. Créez, créez - comme leur flocage Make More - créez, créez. Petits corbeaux. Aujourd'hui les charognards vont se faire manger."L'émeute eu lieu brusquement. Les Gardiens de la Création furent rapidement débordés étant plus enclins à suggérer des concepts ou abstraire des émotions plutôt qu'à donner et rendre des coups. La foule furieuse laissa tranquille Igor qui put se délecter du spectacle, la voir écraser les Gardiens, puis enfoncer les portes donnant sortie sur la rue. Elle ne savait déjà plus pourquoi elle était en colère, elle vivait sa colère. Il n'ignorait pas ce qui allait suivre - de bourgeon elle éclora en fleur sanglante - mais il s'en fichait. Déjà les Jurés de l'Imaginaire s'approchaient de lui. Verts de rage et lui blasé narquois.
"Qu'avez-vous fait ?
- On vous demandait une innovation sociale ! Pas des meurtres en série !
- Des années seront nécessaires pour assimiler l'évènement !
- Ha, mais vous l'avez votre novation : le désordre, hurla Igor. Puis, plus bas : le verdict est déjà tombé j'imagine ?
- Oui, la Réinitialisation bien sûr. Vous représentez un danger beaucoup trop grand.
Igor sourit.
- Et pour moi ?
- L'Oubli.
- Hé ! Enfin seul ! Allons-y alors."
Il les précéda d'un pas lourd et ils sortirent par l'entrée intacte.
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